Roma
Roma
Film-fleuve, auréolé d’une pluie de récompenses dans les grands festivals, « Roma » se veut donc un poème majestueux, rendant hommage aux femmes mexicaines, et particulièrement aux « domestiques », qui ont accompagnées l’éducation du réalisateur. Tout sonne vrai en effet dans cette reconstitution d’une période charnière, intime, mais qui rencontre la Grande Histoire d’un pays, le Mexique, en proie aux soubresauts de révoltes étudiantes contre l’Ordre établi. Les destins humains, et donc ici principalement féminins, semblent comme emportés dans le flot du monde et sa profonde tragédie, mais résistent néanmoins… Les symboliques très fortes de la Vie et de la Mort dans la mythologie sud-américaine viennent alors rencontrer celles d’une cellule familiale en pleine tourmente, dans ce contexte des années 70.
Alfonsa Cuaron réalise une prouesse assez rare, qui est donc de conserver l’authenticité de ces portraits ainsi brossés, tout en usant d’une maestria technique incroyable (noir et blanc en scope, photographie de l’image fourmillant de détails, son immersif,…). On pourrait en effet comparer ce film à la composition d’un tableau de peinture : l’œil (et l’oreille aussi) demande à s’habituer, pour y capter l’ensemble des détails. L’utilisation du plan-séquence fait ainsi que c’est le personnage, au centre de la scène, qui nous guide d’un plan à l’autre. Un procédé un peu désarçonnant quand on est habitué à des films (sur)montés… Mais la dramaturgie, fort heureusement, vient au bon moment relancer l’attention, pour ne pas tomber dans le piège du contemplatif à l’état pur.
William
A noter, pour terminer, que le réalisateur a tenu à montrer son film au maximum de spectateurs dans son pays d’origine (le Mexique), par le biais de diffusions astucieuses et fortement déployées sur tout le territoire (cinémas indépendants, camion-cinéma pour aller en campagne, réseaux sociaux,…), très bien expliqués dans l’un des bonus DVD : il en a résulté un engouement national autour de ce chef d’œuvre, fortement mérité, parlant à toute une nation…