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Dialogue avec un vieil arbre géant

Disponibilité Type Localisation Cote
Disponible Livre 1er Etage - Romans Adulte R YI
Disponible
couverture du document

Dialogue avec un vieil arbre géant

nouvelles
Editeur :
Année de parution :
2011
Yi Ch’ongjun frappe d’abord par son attachement à sa province d’origine, le Cholla. De l’histoire, cette province du sud-ouest a hérité d’une mise à l’écart, d’un ostracisme, d’un rejet, loin d’être oubliés aujourd’hui. L’élection du président Kim Dae-jung, opposant historique et originaire de cette province, a mis symboliquement fin à mille ans d’interdits, qui excluaient les habitants du Cholla des fonctions officielles. Malgré l’importance symbolique de cette élection, le racisme intérieur n’a pas disparu pour autant, et ces provinciaux-là sont toujours taxés de fourberie, de dissimulation, de malhonnêteté. On ne s’étonnera donc pas si, là comme ailleurs, les gens du Cholla se sont repliés sur eux-mêmes, développant des particularismes marqués, rejetant ceux qui les rejettent. En littérature, surtout chez Yi Ch’ongjun, cela donne une tentative d’exprimer le han, cette rancœur-rancune sans nom ni forme qui manifeste le poids des injustices accumulées depuis si longtemps qu’elles sont devenues une façon de vivre, sans pour autant désigner un coupable spécifique. Chacun des personnages de ces fictions brèves est porteur du virus, d’un mal de vivre effrayant, aux antipodes du romantisme. En même temps que d’une nécessité impérieuse de vivre, qui ne se laisse jamais céder au mal. D’où, semble-t-il, une nécessité tout aussi vive : transmettre. Dans chacun des textes, il est question de transmission ou d’éducation, mais jamais en termes pédagogiques ou de racines. Yi Ch’ongjun n’est pas un écrivain confucianiste. Le passage de relai entre générations est tout sauf heureux, créatif, épanouissant. Il nous parle de douleur. La métaphore de l’accouchement viendrait à l’esprit, si dans ce cas précis une autre encore ne s’imposait : il s’agit de chamanisme, et ce n’est pas une religion heureuse. Devenir chamane n’est pas une vocation ni un épanouissement, c’est une fatalité qui s’abat. Accéder à la voyance, à la capacité de lire le passé et l’avenir des autres, est une souffrance. Dialogue avec un vieil arbre géant, version française de Sigan yohaeng (littéralement, “Les Portes du Temps”) explore ainsi le cirque, le tir à l’arc, la céramique, la peinture, la photo, non pas par un questionnement théorique, même si l’auteur frôle par instants la métaphysique, mais par une interrogation très concrète, privilégiant cet aspect précis de la création qu’est la transmission. Ce faisant, et sans infliger un cours d’histoire de l’art, Yi Ch’ongjun rejoint une ancestrale tradition extrême-orientale qui oppose apprentissage auprès des maîtres (et copie) et expression libre et individuelle. En le forçant à interroger la tradition, le maître place l’artiste dans une temporalité qui le dépasse, celle des générations précédentes, là où se trouve la source du sens ou de l’interprétation des œuvres.